Quand la présomption de dangerosité du glyphosate et de produits phytopharmaceutiques justifie que le pouvoir de police général du Maire s’immisce dans le pouvoir de police spéciale du Ministre de l’Agriculture.
Tel est le sens des ordonnances rendues par le Président du Tribunal administratif de Cergy Pontoise en date du 8 novembre 2019 et qui ne manqueront, sans aucune doute, pas de faire du bruit tant dans le domaine juridique des pouvoirs de police du maire que dans le domaine de la santé au regard de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.
En l’espèce, les maires de deux communes – la commune de Sceaux et la commune de Gennevilliers – avaient pris pour le premier, une mesure d’interdiction d’utilisation du glyphosate et autres substances chimiques utiliséées pour lutter contre des organismes considérés comme nuisibles sur le territoire communal (commune de Sceaux) ; pour le second, une mesure d’interdiction d’utilisation du glyphosate et de produits phytopharmaceutiques à l’exception des produits à faible risque ou des produits qui n’ont pas fait l’objet de classement, autorisés en agriculture biologique et de bio-contrôle.
Il est d’ailleurs intéressant de relever que l’arrêté d’interdiction du maire de Sceaux était sans limitation de durée, l’arrêté indiquant « jusqu’à nouvel ordre ».
Le préfet des Hauts de Seine a alors demandé aux deux maires de bien vouloir retirer ces arrêtés mais s’est heurté à un refus express, par une lettre co-signée par les deux maires.
Sur le fondement du déféré préfectoral de l’article L. 554-1 du code de justice administrative, le préfet des Hauts de Seine a par conséquent saisi le Président du tribunal administratif de Cergy Pontoise d’une demande de suspension.
Toutefois, et par une motivation très circonstanciée et détaillée, le Président du tribunal rejette la demande du Préfet et refuse de suspendre les arrêtés d’interdiction pris par les maires des deux communes.
Le Président du tribunal rappelle tout d’abord que sur le fondement du code rural et de la pêche maritime, les mesures d’interdiction des produits mentionnés à l’article L. 253-1 du même code doivent être prises par l’autorité administrative en la personne du ministre chargé de l’agriculture.
Il indique donc qu’il existe une police spéciale, organisée par le législateur, relative à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et que celle-ci a été attribuée au ministre de l’agriculture.
Toutefois, dans un second temps, il rappelle qu’au nom de son pouvoir de police générale qui lui donne le droit de prendre des mesures nécessaire au bon ordre, à la sûreté et à la sécurité et salubrité publiques, le maire peut s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale seulement si un danger grave ou imminent ou des circonstances particulières locales le justifient.
En l’espèce, il considère que les produits dont il est question dans le litige « constituent un danger grave pour les populations exposées ».
A ce titre, il se fonde notamment sur la réglementation européenne ainsi que sur une décision du Conseil d’Etat en date du 26 juin 2019 dans laquelle la Haute Juridiction statuant au contentieux a annulé l’arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l’utilisation des produits phyytopharmceutiques.
Se fondant sur des circonstances plus générales, le Président du tribunal se fonde sur l’environnement local des deux communes ou la fragilité des habitants pour finalement juger, dans un considérant très ferme :
« Dans ces conditions, eu égard à la présomption suffisamment établie de dangerosité et de persistance dans le temps des effets néfastes pour la santé publique et l’environnement des produits que l’arrêté attaqué interdit sur le territoire de la commune de Gennevilliers/ Sceaux et en l’absence de mesures réglementaires suffisantes prises par les ministres titulaires de la police spéciale, le maire de cette commune a pu à bon droit considérer que les habitants de celle-ci étaient exposés à un danger grave, justifiant qu’il prescrive les mesures contestées, en vertu des articles L. 2212-1, L. 2212-2 et L. 2212-4 précités du code général des collectivités territoriales, et ce alors même que l’organisation d’une police spéciale relative aux produits concernés a pour objet de garantir une cohérence au niveau national des décisions prises, dans un contexte où les connaissances et expertises scientifiques sont désormais largement diffusées et accessibles. »
En conséquence, il rejette donc le moyen tiré de l’incompétence du maire pour signer les arrêtés contestés et rejette tout doute sérieux sur la légalité de ces décisions.
Reste à savoir comment le Conseil d’Etat statuera en cassation car il y a fort à parier que l’Etat n’en reste pas là !
Pour lire les ordonnances :
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