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  • Me Hélène CAYLA-DESTREM et Me Mathilde FLAVIGNY

Procédures judiciaires, la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire.

Crise Covid-19 : Parmi les vingt-six ordonnances adoptées par le gouvernement le 25 mars 2020, l’ordonnance 2020-306 organisait la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et l’adaptation des procédures.


Toutefois le texte de l’ordonnance et son interprétation ont soulevé de nombreuses questions quant à son application, notamment dans le secteur de l’immobilier.

Comme l’avait annoncé Madame la ministre Nicole Belloubet, l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 et la circulaire du 17 avril 2020 sont venues apporter des éclaircissements et modifier en partie l’ordonnance du 25 mars 2020.

1. L’encadrement temporel de la période juridiquement protégée (article 1)

La circulaire précise que compte tenu des dispositions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, la date exacte de la fin de l’urgence sanitaire est fixée provisoirement au 24 mai à 0h00 ou 25 mai à 0h00.

En tout état de cause, la date de fin de la période juridiquement protégée (urgence sanitaire + un mois) s’achèverait donc un mois plus tard, soit le 23 juin à minuit.

Les délais échus avant le 12 mars et ceux échus après le 24 juin ne sont donc pas concernés par l’ordonnance.

Il est à noter qu’en cas de révision ultérieure de la durée de l’urgence sanitaire ces dispositions seront nécessairement modifiées en conséquence.

2. Le mécanisme de prorogation des délais (article 2)


Afin de permettre une poursuite des activités, l’ordonnance du 25 mars 2020 n°2020-306 prévoit un mécanisme de report du terme ou de l’échéance : pour les actes, actions en justice, recours, formalités, inscriptions, déclarations, notifications ou publications prescrits par la loi ou le règlement qui devaient être réalisés pendant la période juridiquement protégée.


Aux termes de la circulaire, il apparaît que l’obligation de réaliser tous les actes ou formalités dont le terme échoit pendant la période visée n’est pas supprimée mais peut être effectuée tardivement dans le cadre des prorogations de délais prévus par l’ordonnance.


En tout état de cause, il faut donc considérer que le délai légalement imparti pour agir court de nouveau à compter de la fin de cette période, dans la limite de deux mois.

A titre d’exemple, si le délai d’un mois pour interjeter appel expire pendant la période protégée, le créancier pourra valablement former son recours jusqu’au 24 juillet.


L’ordonnance du 15 avril n°2020-427 précise, à titre interprétatif que les délais de réflexion et de rétractation ou de renonciation ainsi que le remboursement de sommes d’argent en cas d’exercice de ces droits sont exclus de l’application de ces dispositions.


Ces délais s’achèvent donc dans les conditions habituelles même s’ils expirent durant la période juridiquement protégée.


Aussi, il semble que le droit commun des contrats soit le seul recours susceptible de libérer les bénéficiaires de leurs engagements qui n’auraient pu se rétracter dans les délais légaux impartis.


A titre d’exemple, ne bénéficieront pas du report prévu par l’ordonnance, le délai de réflexion de dix jours du bénéficiaire d’une offre de prêt préalablement à son acceptation (C. consom., art. L. 313-34) ou encore le droit de rétractation de dix jours de l’acquéreur d’un bien immobilier (CCH, art. L. 271-1).


Il est à noter que cette précision ayant un caractère interprétatif, cette disposition est rétroactive.


3. Précisions relatives aux mesures judiciaires et administratives (article 3)


S’agissant des mesures judiciaires et administratives dont l’effet est prorogé de plein droit pour une durée de deux mois à compter de l’expiration de la période juridiquement protégée lorsqu’elles expirent au cours de cette période, l’ordonnance du 15 avril 2020 rappelle la compétence du juge ou de l’autorité compétente pour les modifier ou y mettre fin, sous la seule réserve de prendre en considération les difficultés résultant de la crise sanitaire.


La prorogation n’a vocation à s’appliquer à s’appliquer qu’en l’absence de décision spécifique par l’autorité compétente pendant la période juridiquement protégée (état d’urgence + 1 mois).


4. Modifications relatives aux astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et clauses de déchéances (article 4)


=> L’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 visait le traitement des astreintes, des clauses pénales, des clauses résolutoires et des clauses prévoyant une déchéance et sanctionnant l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, prenant en principe effet pendant la période juridiquement protégée.


Ces clauses ne pouvaient prendre effet qu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de la période protégée.


Toutefois, aucun mécanisme de suspension n’était prévu lorsque le délai d’exécution de l’obligation expirait après la période juridiquement protégée.


L’article 4 de l’ordonnance du 15 avril 2020 modifie la prise d’effet de ces astreintes et clauses et prévoit que le report sera égal au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée.


A titre d’exemple, un contrat conclu le 1er février 2020 devait être exécuté le 20 mars 2020, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date. Le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue.


Selon le dispositif mis en place par l’ordonnance, les effets de la clause seront reportés d’une durée égale au temps écoulé entre le 12 et le 20 mars, ce report courant à compter de la fin de la période juridiquement protégée. Ainsi si la période juridiquement protégée prenait fin le 24 juin, la clause résolutoire prendrait effet le 3 juillet (fin de la période juridiquement protégée + 8 jours).


=> S’agissant des clauses et astreintes qui sanctionnent l’inexécution d’une obligation échue après la période juridiquement protégée, l’ordonnance du 15 avril 2020 institue un nouveau mécanisme de report similaire à celui prévu ci-dessus.


En vertu de ce nouveau dispositif, le cours et les effets de ces astreintes et clauses sont reportés d’une durée égale au temps écoulé entre d’une part, le 12 mars ou la date de naissance de l’obligation si elle est plus tardive, et d’autre part, la fin de la période juridiquement protégée (état d’urgence+1mois).


Aussi, le report court ici à compter de la date à laquelle les astreintes et clauses auraient dû prendre cours ou produire effet en vertu des stipulations contractuelles.


Le champ d’application de ce nouveau dispositif est toutefois plus restreint que celui prévu à l’alinéa précédent puisqu’il exclut les obligations de sommes d’argent.


A titre d’exemple, un contrat conclu le 1er février 2020 devait être exécuté le 1er juillet 2020, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date. Le débiteur n’exécute pas le contrat à la date prévue.


Selon le dispositif mis en place par la présente ordonnance, les effets de la clause résolutoire seront reportés d’une durée égale à celle de la période juridiquement protégée, ce report courant à compter du 1er juillet 2020. Ainsi si la période juridiquement protégée devait prendre fin le 24 juin, le report serait de 3 mois et 12 jours ; la clause résolutoire prendrait donc effet le 13 octobre 2020.


L’alinéa 4 de l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 n’est quant à lui pas modifié.


=> Ainsi, les astreintes et clauses pénales qui avaient déjà commencé à produire effet avant le 12 mars sont suspendues durant la période juridiquement protégée et reprennent leurs effets dès la fin de celle-ci.


Dans ce cas, il conviendra de compter toutes les pénalités dues avant le 12 mars, puis de compter les pénalités qui courront après le 24 juin, fin de la période juridiquement protégée jusqu’à ce que l’obligation soit exécutée.


Vf :


Hélène CAYLA-DESTREM et Mathilde FLAVIGNY



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